République démocratique du Congo
Depuis l’assassinat de deux experts de l’ONU en RDC, en mars dernier, le gouvernement congolais n’a cessé de répéter qu’il n’est, en aucun cas, impliqué dans ce dossier. Mais, une enquête menée conjointement par Reuters et RFI laisse croire que des agents de l’Etat et affiliés ont joué un rôle dans l’exécution des deux experts.
Depuis août 2016, la région du Kasaï Central, dans le centre de la République démocratique du Congo est en proie à une violente crise. En mars 2017, Zaida Catalan et Michael Sharp, deux experts onusiens se rendent dans cette région en vue de négocier des accords de paix.
Le 12 mars 2017, après avoir rencontré un groupe insurrectionnel du Kasaï dans un grand hôtel de Kananga, ces experts quittent la ville pour se rendre à Bunkonde. Leurs corps seront retrouvés le 27 mars, dans des conditions horribles. À ce jour, le gouvernement accuse la milice Kamuina Nsapu d‘être à l’origine de ces meurtres, notamment dans le cadre du procès ouvert en juin.
Pourtant, des documents issus du dossier d’instruction de la justice militaire congolaise, fruit d’une coopération avec l’ONU qu’ont pu consulter Reuters et RFI dans le cadre d’une enquête sur la question du Kasaï, offrent une autre piste d’orientation. Ces pièces qui n’ont été mentionnées ni au cours du procès ouvert en RDC, ni dans le rapport d’un comité d’enquête mis sur pied par les Nations unies, évoquent clairement le rôle joué par certains agents de l’Etat et affiliés.
L’un des plus édifiants est celui d’un certain José Tshibuabua, qui se présentait jusqu’alors comme un employé de l’ANR (Agence nationale de renseignements) et omniprésent dans l’entourage des experts 24h avant leur mort. Sur les relevés téléphoniques et autres pièces du dossier d’instruction réunis par la justice militaire et l’ONU entre mars et mai 2017, il s’avère que c’est sur les conseils de Tshibuabua, que les deux experts de l’ONU se sont rendus à Bunkonde, localité très instable à l‘époque des faits.
Un entretien enregistré en micro caché par l’experte suédoise Zaida Catalan, la veille de sa mort, vient corroborer cette thèse. Une copie du fichier qui a été versée au dossier de l’enquête de l’ONU, retrace un entretien entre les experts, un féticheur du Kasaï, ainsi que Tshibuabua et un de ses cousins. Ce dernier s’avère être lui aussi un employé de l’ANR et cousin de Tshibuabua, qui s’est fait l’interprète des deux experts lors de leur périple à Bunkonde.
Les enquêteurs menés en embuscade
Dans cet entretien, le féticheur déconseille clairement, en langue locale, aux deux experts de se rendre à Bunkonde, zone dans laquelle il n’a aucun contrôle sur les milices. Mais, plutôt que de traduire les propos du féticheur, les deux cousins promettent au contraire aux experts, au nom du féticheur des Kamuina Nsapu, d’assurer leur sécurité. La suite, on la connaît. 24 heures plus tard, les deux experts n’ont jamais été retrouvés vivants.
Certes, le gouvernement congolais reconnaît avoir travaillé avec Tshibuabua comme “informateur bénévole”, mais réfute avoir été informé de sa coopération avec les experts, ni même de la mission au Kasaï de ces derniers. “Les experts arrivent à Kinshasa incognito, prennent l’avion incognito, quittent Kananga avec des motards sans rien signaler aux autorités”, avait martelé le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende. “On aurait pu leur donner une escorte, on aurait pu leur déconseiller”.
Mais les relevés téléphoniques indiquent que Tshibuabua avaient des contacts réguliers avec le responsable local de l’ANR, avant et après qu’ont été tués les experts. Il a également une longue conversation après le meurtre, avec le directeur provincial de la DGM (Direction générale des migrations) et ex-chef de milice Mai Mai, Emmanuel Mapenzi. Il y environ une semaine, Tshibuabua a été arrêté pour le meurtre des deux experts et pour sa présumée participation à l’insurrection des Kamuina Nsapu. Il reste détenu au secret, selon son avocat Tresor Kabangu.
Les dossiers consultés par RFI et Reuters font également cas de deux colonels de l’armée congolaise et trois agents et affiliés de l’Etat qui sont directement impliqués dans l’organisation de la mission qui a coûté la vie aux deux experts, même si l’ONU avait déclaré qu’elle était incapable d‘établir un motif expliquant l’implication des acteurs étatiques.
Mais les deux experts menaient des enquêtes dans une zone où les Nations unies ont accusé les militaires congolais d’utiliser une force excessive contre des miliciens et des civils et de creuser des fosses communes.
Le gouvernement congolais, quant à lui, a promis de faire condamner toutes les personnes, quelle qu’elles soient, si jamais leur responsabilité était établie dans ce dossier. “Nous ne demandons qu’à être informés, s’il y a un agent de l’Etat qui est impliqué, il sera poursuivi et jugé”, a ajouté le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende.
Aller à la video
ONU : l'année 2024 la plus meurtrière pour l'aide humanitaire
Aller à la video
La SADC prolonge le mandat de ses soldats en RDC et au Mozambique
01:22
Mpox : l'épidémie en forte hausse chez les enfants en RDC et au Burundi
01:25
Mpox : plus de 50 000 vaccinations en RDC et au Rwanda, selon l'OMS
01:03
Guerre Russie-Ukraine : 1 mort et 35 blessés dans une frappe sur Kharkiv
01:00
Arrêt sur images du 30 octobre 2024